La philosophie du scoutisme : “une vivante application du thomisme”

Par un certain ” empirisme organisateur ” en matière d’éducation, le génie propre de Baden-Powell et de sa méthode fut donc de renouer, en dehors du cadre scolaire, avec l’esprit réaliste de l’ancienne chrétienté, comme nous l’avons déjà vu en pédagogie.

C’est pour l’avoir très vite compris que des éducateurs français et catholiques voulurent ” baptiser ” le scoutisme de Baden-Powell, comme on dit par exemple que saint Thomas a baptisé la philosophie d’Aristote. Car la loi naturelle était remarquablement retrouvé dans ce scoutisme né outre-Manche, avec l’apprentissage des vertus humaines et chrétiennes, du sens de Dieu et des responsabilités, de la piété et de l’honneur, du dévouement et du devoir d’état, de l’économie et du travail bien fait… (loi , promesse et principes) ; mais aussi avec l’application du principe de subsidiarité et le respect du couple autorité-liberté (système des patrouilles) .

Le scoutisme aime ” tout ce qui est naturellement bon, noble, sain  : simplicité de vie, amour de la nature et de la patrie, sentiment de l’honneur, maîtrise de soi, obéissance, dévouement au service des autres dans un esprit de fraternité et de chevalerie ” , résumait Pie XII (le 10 septembre 1946) .

Interrogé sur les raisons profondes qui lui faisaient aimer le scoutisme, Edouard de Macedo, l’un des trois cofondateurs officiels des Scouts de France (avec le chanoine Cornette et le père Sevin), répondait ainsi :

“Il y a, je crois, trois motifs principaux à mon sentiment. Le premier, dois-je l’avouer, est à caractère philosophique, parce que j’ai vu dans le scoutisme, dans son ordre, dans sa loi, une vivante application du thomisme. Le scoutisme, c’est la doctrine de saint Thomas d’Aquin vécue.
Le second est d’ordre naturel  : j’ai toujours eu la passion de la vie au grand air et des jeux de forêt. Si le scoutisme avait existé quand j’étais jeune garçon, j’aurais aimé à en porter la tenue et le grand bâton.
Le troisième est d’ordre religieux, car il me semblait nécessaire que la France eut une organisation nettement catholique de vrai scoutisme

Un jour… les scouts, jalons photographiques de Jos Le Doaré , par Louis Fontaine aux éditions de l’Orme Rond, 1981, p. 28 et 29

Probablement, c’est sans le vouloir que Baden-Powell se trouvait en accord avec la philosophie de l’Aquinate. Et, comme le disait le père Marcel-Denys Forestier du scoutisme  : ” S’il est thomiste, il se pourrait bien que ce fût sans le savoir ” (Scoutisme, méthode et spiritualité, les éditions du Cerf, 1940, p. 5. Le père Forestier, O. P., succéda au chanoine Cornette comme aumônier général des Scouts de France (SDF) pendant vingt ans, de 1936 à 1956). Un peu à la façon de l’empirisme organisateur de Maurras, qui, sans prétendre à la philosophie, fut pourtant “assumé” par nombre de thomistes.

“Qui aurait pensé, s’étonne pour sa part l’abbé Paul Richaud, à voir dans saint Thomas d’Aquin le théoricien du scoutisme? Pourquoi pas? Le pape en a bien fait le patron des étudiants et des écoliers ” (“Les qualités du Chef d’après saint Thomas d’Aquin” : article paru dans Le chef , mars 1923, n° 13, p. 177. L’abbé Paul Richaud, aumônier scout à Versailles dès le début des SDF, est le futur cardinal-archevêque de Bordeaux. Lorsqu’il sera sacré évêque en 1934, il choisira une croix potencée et introduira divers symboles du scoutisme sur son anneau et sur certaines de ses mitres. Il est l’auteur de Veillées de prières aux éditions Téqui, avec une lettre-préface du chanoine Cornette (première édition en 1923).

Aussi, plusieurs aumôniers scouts s’attachèrent à montrer l’homogénéité ou les harmonies du scoutisme et du thomisme. Deux d’entre eux, dominicains, y consacrèrent même des ouvrages  : le père Hyacinthe Maréchal (Scouts de France et Ordre chrétien, éloge de l’Ordre scout, Nouvelle revue des jeunes et Desclée de Brouwer, 1933) et le père Réginald Héret (La loi scoute, commentaire d’après saint Thomas d’Aquin, Spes, 1929).

Certes, le scoutisme n’est pas une philosophie, ainsi que le faisait justement remarquer le père Jacques Sevin (Pour penser scoutement , 1931, p. 134), mais comme toute véritable éducation, il suppose une philosophie, une doctrine et même un ordre, au sens que précisera ” le veilleur de Chamarande”. Sans entrer trop loin dans les raisons multiples de cette relation du scoutisme au thomisme, tâchons seulement d’en dégager sommairement le fondement et les grandes lignes.

Nature et loi naturelle


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L'expérience et le sens du réel


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Une doctrine sociale


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Une morale du bonheur et de l'honneur


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