Dans le cadre paroissien et diocésain

Pour se soumettre à la hiérarchie ecclésiastique, les SdF ne peuvent constituer une organisation parallèle, mais doivent entrer dans les structures traditionnelles de l’Eglise : la paroisse et le diocèse. “Nous sommes catholiques. Notre mouvement est donc soumis à toutes les disciplines catholiques. Nous respectons tous les droits de la hiérarchie dans les diocèses et les institution où nous fondons des troupes” (Chanoine Cornette, in Le Chef de janv.1930, p.25). Les groupes scouts (une meute, une troupe, un clan) se rattachent, dans leur grande majorité, à une paroisse, parfois à une institution catholique (collège, par exemple), rarement à un établissement laïc, comme un atelier. Si vraiment une troupe ne s’affilie à aucun cadre déjà établi, elle ne dépend pas du siège social de l’Association, mais de l’évêque de son diocèse. “Les SdF ne fondent de troupes dans un diocèse, une paroisse, une institution, qu’avec l’agrément de l’autorité religieuse compétente” (Règlement général, La Hutte, Paris, 1935, p.26). De même, la volonté des SdF de collaborer avec les autres œuvres catholiques, en vue de rechristianiser la France, se retrouve au niveau diocésain, en vue de rétablir l’autorité épiscopale et paroissiale, quelque peu perturbée par les attaques anticléricales. “Le scoutisme […] doit tenir compte de toutes les autres œuvres de jeunesse organisées dans le diocèse et concourir, dans une fraternelle union, avec elles, au bienfait de la paroisse, de l’institution et du diocèse” (Chanoine Cornette, in BdL n°38, p.82).

Et cette collaboration se retrouve encore une fois dans la paroisse, dont l’esprit communautaire traditionnel tend déjà à disparaître au début du XXème siècle, et que les SdF tentent donc d’aider. Ils conseillent “qu’on les (les scouts) orientent surtout vers les œuvres paroissiales qui ont tant besoin d’ouvriers […] . Aux scouts d’être l’avant-garde des œuvres paroissiales” (in Le Chef n°6, juin 1923, p.114). Au niveau de chaque troupe, quel qu’en soit l’aumônier, c’est le curé de la paroisse, éventuellement le supérieur de l’institution, qui tient lieu de directeur de la troupe, et de chef du groupe entier . Cependant, certains détracteurs du scoutisme l’accuse de détruire l’esprit de communauté paroissiale, ce que tentent effectivement les anticléricaux. Mais c’est un curé qui le défend d’une telle intention : “Loin de nuire à la vie paroissiale, le scoutisme doit au contraire nous servir à former une élite paroissiale” (Abbé Bréhier, in Le Chef n°34, mars-avr.1926, p.35). D’ailleurs, les curés se rendent compte très rapidement qu’ils disposent ainsi d’une main-d’œuvre dévouée : ils en usent et abusent (service d’ordre des processions, distribution du bulletin paroissial, divers travaux dans l’église…) . “On devait, par exemple, interrompre la sortie du dimanche de très bonne heure, et rentrer à temps pour les vêpres. Parfois, la présence à la grand’messe était impérative, le prêtre attendant de toute la troupe qu’elle communiât, pour initier au renouveau liturgique et de la pratique. Dans bien des cas, même, le programme d’année de la troupe, théoriquement élaboré par […] la cour d’honneur (La cour d’honneur réunit le chef de troupe, l’aumônier, les assistants et les CP, et prend les décisions importantes concernant la vie de la troupe : programme général comme progression de chacun), dut tenir compte en priorité des exigences paroissiales” (Christian Guérin, Éclaireurs SdF et signe de piste, 1991, p.180). Car, outre les services matériels qu’ils peuvent rendre, les scouts servent de modèles pour les autres fidèles, et participent ainsi à la relève de nombreuses paroisses. Par exemple, en camp, ils s’efforcent d’aller à la paroisse non seulement le dimanche, puisque l’indult de Pie XI les y oblige, mais même en semaine, malgré leur préférence pour la messe de camp avec leur aumônier, pour entraîner les villageois à la messe quotidienne . Dans leur paroisse habituelle, ils répandent la communion fréquente, et sont donc tenus d’assister à une messe où la plupart des paroissiens peuvent les voir et prendre exemple, au lieu d’aller à la messe basse du matin tôt, qui rallongerait agréablement leur sortie.

Et, au-dessus de la paroisse, l’organisation de la Fédération entre dans le cadre épiscopal, intermédiaire obligé pour se soumettre au Pape. “L’Association est soumise aux lois de l’Eglise : elle ne reconnaît que deux autorités : celle du souverain Pontife et celle des Ordinaires des lieux” ( L’aumônier scout , collection Scout de France, presses d’Ile-de-France, 2e édition, 1944). Et le père Sevin insiste sur la soumission à la hiérarchie ecclésiastique : “Nous lui (à l’Eglise) demandons de nous dire toujours si nous sommes bien tels qu’elle nous désire et qu’elle nous espère […] , nous la conjurons de diriger toujours, maternellement infaillible, les pas de ceux qui doivent par définition éclairer la route” (Père Sevin, s.j., in Le Chef n°79, janv.1931, p.6). On se souvient que le chanoine Cornette et le général de Salins, à peine l’Association fondée, partent effectuer la tournée des diocèses pour convaincre les évêques, dont l’autorisation est obligatoire pour monter une troupe . C’est le Comité organisateur lui-même qui s’impose cette condition, pour se mettre sous le contrôle de la hiérarchie, et ne rien entreprendre contre son gré. L’accord de l’évêque devient alors un grand honneur : on le prie de recevoir les premières promesses des scouts de son diocèse. De même, les successeurs des apôtres sont sollicités pour prononcer un discours au début de chaque congrès des chefs, en fonction du diocèse où il se déroule. Certains ne connaissent à peu près rien au scoutisme, mais leur seule présence honore, et leurs paroles sont systématiquement rapportées dans Le Chef.

La fondation des Guides de France, en 1922, révèle aussi l’importance de l’évêque et du critère religieux . Alors qu’une dizaine de jeunes filles, hors de tout contrôle ecclésiastique, se forment auprès de Constance Marx, institutrice anglicane, en vue d’ouvrir une branche féminine de scoutisme, Mgr. Dubois intervient. Il interrompt les réunions et confie la fondation de l’association à madame Duhamel , secrétaire générale de l’Archiconfrérie des patronages, référence dans le milieu catholique, même si elle ne connaît pas grand’chose au scoutisme. C’est encore Mgr. Dubois qui reçoit sa promesse. Les GdF limitent les rapports avec leurs équivalents neutres et protestants, et préfèrent se former auprès des SdF. Les pères Sevin et Doncœur y jouent d’ailleurs un grand rôle, et c’est l’aumônier général de l’association masculine qui leur tient lieu d’aumônier conseil : le chanoine Cornette jusqu’en 1936, puis le père Forestier.

D’ailleurs, le cadre diocésain se retrouve aux différents échelons de l’organisation scoute. En ce qui concerne l’aumônier général, “sa nomination est faite par l’Ordinaire du lieu où l’Association a son siège, et proposée par lui à l’agrément de la Commission permanente de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France” (Règlement général, op.cit., p.43 et p.59). De même, “l’aumônier de province est choisi et nommé par l’aumônier général après consultation des aumôniers diocésains de la province et accord de l’Ordinaire du lieu” (R. R., art.15). Car, dans chaque diocèse, un prêtre est tout spécialement affecté au scoutisme. Représentant de l’évêque, il contrôle les intérêts religieux et moraux de la troupe . Il choisit et nomme les aumôniers de district, ainsi que les aumôniers de groupes libres (hors institution), qui ne peuvent être titularisés par l’Association que s’ils sont notifiés par l’évêque. L’aumônier diocésain a aussi autorité sur les laïcs : il donne son assentiment à la nomination du commissaire de province , et signale au Conseil d’administration ceux qui ont cessé d’avoir la confiance de l’Ordinaire, et qui sont alors obligatoirement destitués (Règlement général, op.cit., p.61). Et ce qui semble peut-être ici un détail importe en fait beaucoup. Effectivement, ce point de la législation au niveau diocésain montre bien que même si les laïcs dirigent incontestablement les SdF, surtout après la destitution du père Sevin de sa charge de commissaire général, en 1924, ils restent dépendants de l’accord ecclésiastique. “Avant de nommer un commissaire de province, le Conseil d’administration, et avant de présenter un commissaire de district, le commissaire de province , s’assurent de l’agrément écrit des Ordinaires intéressés” (Règlement général, op.cit., p.61). Leur pouvoir demeure toujours sous le contrôle de l’Eglise, qui englobe ainsi jusqu’au moindre scout. Les “garçons sont groupés dans nos activités scoutes sous l’autorité de nos commissaires et de nos chefs et dans la dépendance, dans chaque diocèse, de l’Ordinaire représenté par un aumônier diocésain” (Chanoine Cornette, in Le Chef n°102, avr.1933, p.258). On peut alors se demander si cette sujétion du pouvoir laïc au pouvoir ecclésiastique se retrouve au sein d’une unité scoute, entre le chef et l’aumônier.

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